Rédigé par Michel Rousseau et publié depuis
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Perte ou vol de clés ? Amal Graafstra a réglé ces problèmes en 2005 en se faisant poser dans chaque main des puces de la taille d'un grain de riz qui permettent de déverrouiller les serrures ou d'activer son écran sans avoir à les toucher.
«N'importe quelle personne ayant l'électronique comme passe-temps peut en faire autant», a indiqué hier en entrevue M. Graafstra, résidant de l'État de Washington qui reçoit des demandes d'information de partout depuis qu'il a partagé son expérience sur Internet.
«J'ai mis quelques photos de la pose des implants que j'avais prises avec un cellulaire et les choses ont déboulé à partir de là», souligne en entrevue le jeune homme, qui a écrit un livre sur les applications possibles de la puce, basée sur la technologie RFID.
Ces implants, qui fonctionnent grâce à l'émission d'ondes radio, permettent de transmettre sur une faible distance à un lecteur externe un numéro d'identification qui est ensuite utilisé pour activer divers programmes.
La technique a d'abord été mise au point pour l'élevage. La lecture des puces à l'aide d'un capteur approprié permet d'accéder rapidement au dossier de chaque bête. La même technique est utilisée pour retrouver des animaux domestiques un peu partout en Amérique du Nord.
«J'ai voulu transposer ça chez l'humain», affirme M. Graafstra, qui a récemment convaincu sa conjointe, résidante de Vancouver, de l'imiter. Il dit avoir identifié, par le blogue qu'il anime, 80 autres personnes ayant procédé à une intervention similaire. L'un d'eux, adepte de La Guerre des étoiles, relate qu'il espère activer à distance un «sabre laser» de sa création d'un simple geste de la main.
La firme américaine Applied Digital Solutions, dans un registre autrement plus sérieux, a entrepris de commercialiser un implant utilisant la technologie RFID dans le secteur hospitalier. L'idée, explique son porte-parole, John Proctor, est de permettre de lire rapidement le dossier médical d'une personne inconsciente, aux urgences par exemple, grâce à une puce posée dans son épaule. L'obtention du numéro d'identification permet ensuite d'avoir accès à une banque de données centralisée gérée par l'entreprise.
Jusqu'à maintenant, près de 100 hôpitaux du nord-est des États-Unis ont accepté de participer à un projet pilote de l'entreprise, explique M. Proctor, qui évoque déjà une expansion de ce programme au Canada.
Selon lui, 2500 personnes ont accepté jusqu'à maintenant de se faire implanter la puce, baptisée Verichip, qui trouve aussi d'autres applications commerciales dans le domaine de la sécurité. Des employés d'une firme de Cincinnati l'utilisent pour accéder à des locaux contenant du matériel sensible. Elle a aussi été adoptée par les clients d'un bar de Rotterdam qui peuvent payer leurs consommations en permettant à l'hôtesse de passer le scanner sur leur bras.
Accents orwelliens
Ce type d'initiative, et les technologies RFID en général, suscitent d'importantes préoccupations en matière de protection de la vie privée. L'idée d'implanter des puces chez des êtres humains a, pour le commun des mortels, des accents orwelliens et évoque la possibilité d'un système de surveillance à distance.
M. Proctor assure qu'il n'est pas possible, dans l'état actuel des choses, de produire un implant ayant à la fois la puissance nécessaire et une taille acceptable. «Nous avons étudié la possibilité il y a quelques années de créer un système de cette nature, mais nous avons finalement décidé d'abandonner cette voie parce que ça ne semblait pas faisable», indique le porte-parole de l'entreprise, qui songeait à l'utiliser chez des personnes craignant d'être victimes d'un kidnapping.
M. Graafstra est aussi d'avis qu'un tel système de surveillance n'est pas réalisable avec des implants. Il y a cependant des risques réels d'atteinte à la vie privée si les données de la puce implantée ne sont pas protégées adéquatement, explique l'Américain. Selon lui, il n'est pas difficile de relever à l'insu d'un individu le numéro d'identification et de le reproduire.
Plusieurs États américains ont légiféré au cours des dernières années pour s'assurer que ces technologies- de plus en plus utilisées dans le secteur du commerce, notamment pour faciliter la tenue d'inventaires- ne soient pas utilisées pour recueillir des informations à l'insu des citoyens.
L'un d'eux s'apprête même à légiférer pour éviter que des entreprises puissent forcer leurs employés à accepter des implants.
Le développement des RFID n'a pas échappé à la Commission d'accès à l'information du Québec, qui doit divulguer d'ici deux semaines un avis à ce sujet.
L'auteur du rapport, Gaétan Laberge, analyste en informatique, a indiqué hier que l'organisation suivait le dossier de «très près». Il s'inquiète notamment de l'absence de politiques encadrant spécifiquement ces technologies, en pleine expansion.
Le commissaire fédéral à la vie privée suit aussi de près le dossier. Il figurera d'ailleurs en bonne place dans son prochain rapport annuel, précise la porte-parole, Florence Nguyen.
La réflexion se poursuit, indique Mme Nguyen, qui dit ne pas vouloir sembler alarmiste par rapport à l'usage des RFID. «La technologie n'est pas bonne ou mauvaise en soi. C'est à l'utilisation qu'on doit s'attarder», indique-t-elle.