Voici le témoignage de Bernard Jeanne Beylot, Consultant expert en Identification Automatique et RFID de CURITIBA CONSEIL
Quels services offrez-vous ?
La RFID est à la mode… de nombreux prestataires se positionnent sur le marché, et les clients ont parfois du mal à y voir clair entre tous les acteurs et les technologies. Dans ce contexte, mes interventions visent tout d'abord à réfléchir avec le client pour voir si la RFID est bien la technologie d'Identification Automatique la plus adaptée pour répondre à son application, ensuite à rédiger une expression de besoin et une consultation de fournisseurs, et en tout dernier lieu aider à faire une synthèse des offres des différents prestataires, avec un "décryptage" de la partie technique, pour permettre au client de faire son choix de fournisseur.
Aujourd'hui quelles sont les grandes tendances qui se dégagent?
Depuis plusieurs années on parle de technologies, de puces radiofréquence qui vont permettre d'identifier unitairement les produits de grande consommation. Cette tendance se confirme, mais exclusivement sur certains produits. Nous n’en sommes pas encore, comme cela a été le rêve à un moment, à pouvoir identifier tous les produits de la grande distribution. Parmi les produits identifiables à court et moyen termes, il y a le textile. La RFID permet de faire des inventaires très rapides alors que cela est beaucoup plus fastidieux avec le code à barres. La RFID procure un avantage certain et immédiat. Des applications tournent chez un certain nombre de distributeurs pour l'identification unitaire des articles.
Un autre secteur qui tardait à décoller, mais qui s'accélère car il y a des vies en jeu, c’est l’identification unitaire des médicaments (surtout aux Etats-Unis). D'abord pour l'authentification par rapport à la contrefaçon, l'authentification permet de certifier qu’il s’agit d’un produit d'origine et qu'il ne met pas en jeu la vie d'un consommateur. Puis pour l'identification et son suivi sur la supply chain, de la palette, du colis et voir même de l'identification de l'unité consommateur. Depuis un peu moins d'un an, le viagra (Pfizer) utilise la RFID pour identifier ses produits.
Sur quoi portent les expérimentations aujourd’hui ?
Il y a des expérimentations en cours, sur l'utilisation de la RFID pour l'identification des palettes, de ses colis, et voire même sur l'identification unitaire du produit. En effet, l'onde radio est extrêmement sensible à la nature même du produit et de son emballage, mais aussi à la disposition des colis ou des produits sur la palette. Il y a des laboratoires qui s'organisent actuellement pour proposer au niveau européen et en France des mesures de performance et d'interopérabilité des tags et lecteurs RFID. De son côté, GS1 France a poursuivi en 2006 sa plate-forme de tests, pour évaluer la technologie à travers une dizaine de mises en situation. De par la diversité des contextes et des secteurs appréhendés, cette étude permet de dresser un état de l'art complet des capacités actuelles de la RFID : Cela permet de disposer d'un « guide de bonnes pratiques » : sur tel type de produit, on a des bons résultats… Sur tel type, on a de moins bons résultats… Nous sommes sortis de l’époque, récente d’ailleurs, où on disait qu'on allait pouvoir tout faire. Il y a eu beaucoup de déconvenues et de désillusions, certainement dues à une recherche de prix à tout va et à des premières générations de matériels qui ne tenaient pas toujours leur promesse. On voulait des puces pas chères et capables de tout faire.
Aujourd'hui les choses ont bien changé. Il y a eu une prise de conscience et surtout des nouvelles générations de matériels (Tags RFID et Lecteur) qui fonctionnent bien, comme le confirmait récemment la plateforme de tests de GS1 EPC France. Par contre une des autres conclusions, pas des moins intéressantes des industriels qui ont participé à ces essais, était que dans la majeure partie des cas testés, pour utiliser le plein potentiel d'identification automatique permis par la RFID, il semblait nécessaire de reconsidérer l'organisation du process et du flux physique actuel, ce qui n'est pas sans conséquence sur le projet dans son ensemble !
Un autre point intéressant révélé par ces nombreux tests, est la prise en compte des coûts importants des infrastructures nécessaires pour la lecture de ces puces RFID : tunnels de lecture, portiques de lecture, avec nombreuses antennes, lecteurs, connexion réseau, … Ce qui représente des enveloppes de quelques milliers d'Euros dans des configurations simples et le plus souvent un poste de lecture a un coût supérieur à une dizaine de milliers d'Euros. Dans le cas d'une plateforme de distribution comportant plusieurs dizaines de quais de chargement cela représente un investissement important.
Dans ce contexte, un autre axe intéressant de développement d'applications avec de la RFID, se dessine grâce aux puces actives (intégrant une batterie), qui coûtent plus cher (quelques dizaines d'Euro) que la puce passive mais que l'on va intégrer à vie sur une palette, un bac plastique, ou sur du matériel que l'on veut suivre ou tracer. Cette technologie RFID active, qui existe déjà depuis plusieurs années, présente ainsi plusieurs avantages. Tout d'abord la simplicité et le coût moindre de l'infrastructure avec des lecteurs très simples qui couvrent des zones beaucoup plus importantes. D'autres fonctionnalités sont également possibles avec cette technologie active comme l'intégration de détecteurs de mouvements, de chocs, ou bien encore de capteurs de températures, et enfin la possibilité de géo localiser en temps réel le produit identifié dans un entrepôt ou un camion.
On peut imaginer des puces actives pour la partie amont, et des puces passives sur l'unité consommateur ? Une cohabitation?
Absolument. La technologie active a rapidement été « mise à l'écart » car trop coûteuse. Aujourd'hui elle reprend un peu d'intérêt. Elle permet de faire de l'inventaire permanent. Vous appuyez sur un bouton et vous savez ce qu'il y a dans votre entrepôt, ce que ne permet pas la puce passive. La technologie passive, c'est "je fais passer la palette sous un portique et je peux compter ce qu'il y a sur la palette". La technologie active permet un inventaire de l'entrepôt avec un maillage intelligent. Les deux technologies peuvent tout à fait cohabiter. Pourquoi pas un tag RFID actif dès maintenant sur les unités logistiques avec l'infrastructure actuelle, et au fur et à mesure des réimplantations des sites logistiques l'intégration d'un tag RFID passif sur l'unité consommateur ?
Est-il prévu que des lecteurs puissent absorber deux fréquences différentes : Des colis Américains sur une fréquence, mélangés à des colis européens sur une autre ?
Oui c'est prévu. Quand on parle de bande UHF, vous allez avoir des systèmes de lecture et des antennes qui seront capables de lire les puces en provenance des Etats-Unis, d'Asie et d'Europe. Il faudra cependant optimiser les réglages, car entre les 3, il y a 100 mégahertz de couverture supplémentaire, 860 pour la France, 960 pour l'Asie et 915 pour les US.
Il n'y a plus de freins majeurs de standardisation?
Il y en a eu, maintenant il y a une prise de conscience de la part des acteurs pour faire évoluer les standards, qui sont maintenant finalisés et disponibles auprès de l'ISO (norme ISO 18 000-X pour l'identification des objets). En France, la Ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, a accéléré la libéralisation des fréquences militaires. Il n'y a pas de freins majeurs pour l'avenir.
Où en est la France
En Europe et en France, nous étions leader depuis les années 90 , grâce à des entreprises comme Gemplus Tag, Inside, ST Microelectronics, Philips, Tiris, qui ont beaucoup communiqué et travaillé sur les technologies RFID, principalement haute fréquence (13.56 Mhz). Ensuite les Américains, dans les années 2000, ont découvert à leur tour la RFID et l’ont développée dans une logique américaine avec un certain succès… Pour eux, l'an 1 ou l'an zéro de la RFID, c'est à partir du moment où le MIT (Massachusetts Institute of Technology) a fait les spécifications de l'Electonic Product Code (Epc) Là on a pris un réel retard. Nous étions leaders et aujourd'hui on se fait très clairement dépasser par les Etats-Unis, et même par certains pays d'Europe, comme l'Allemagne qui va plus vite que nous dans l'intégration de la RFID. L'Angleterre également avec Mark & Spencer, qui a mis en œuvre des applications très performantes. C'est une des premières entreprises à avoir intégré la RFID sur les textiles avec des volumes conséquents de plusieurs dizaines de millions d’exemplaires. Ils sont en train de passer des commandes de millions d'étiquettes RFID.
On a coutume de dire que pour la plupart des technologies, ce sont les marchés grand public qui entraînent les marchés professionnels. Est-ce le cas pour la RFID?
Une convergence est en train de voir le jour au Japon, en Asie, entre la RFID et le NFC (Near Field Communication). C'est un standard sorti par Sony, Philips et Nokia. Il vise à faire communiquer les objets entre eux. L'intérêt s'apparente un peu au Bluetooth. Le but est d'avoir une puce compatible NFC qui s'appuie également sur des standards de communication RFID(ISO) Ce qui permettra de faire communiquer un téléphone, un Pda et on pourra lire des puces RFID. Là, c'est vraiment le grand public qui va tirer l'intégration de la technologie . Le champ d'application est absolument considérable. Vous avez une puce sur un distributeur automatique, vous avez votre portable, vous identifiez le distributeur devant lequel vous êtes, vous envoyez un message SMS et vous pouvez faire une transaction. Des services sont en train de se mettre en place pour des locations de véhicule, l'hôtellerie… Cela élargira le champ d'application de la RFID. Depuis quelques années, lorsqu'on parle de RFID on la limite à la Supply Chain et on oublie toutes les applications qui fonctionnent depuis des années. Tous les ans, des millions de puces RFID sont vendues pour identifier des objets de toutes sortes : sécurité, extincteurs, ascenseurs…